La grande aventure du participatif

Le paysage ludique a bien évolué ces dernières années avec l'apparition du "participatif" et de ses différentes plateformes de financement en ligne. Parfois, plusieurs dizaines de projets sont lancés en une seule journée et uniquement dans le domaine du jeu de société. Une abondance de nouveaux titres qui tentent la grande aventure ludique...
Tous les goûts sont dans la nature
En tant que contributeur, ce nouveau mode de financement et d'édition permet activement de participer au lancement du produit. Du moins c'est la première réflexion que l'on pourrait se faire à l'énoncé alléchant du "menu" qui est proposé. Mais on peut aussi se retrouver avec des projets déjà complètement achevés et pour lesquels le participatif n'est utilisé que pour de la pré-commande. Certains porteurs de projet utilisent également ce nouveau canal dans le but d'améliorer leur produit de base; plus la cagnotte augmente et plus le financement sert à embellir ou étoffer le matériel prévu. Couplez à cela que le porteur de projet est parfois un éditeur reconnu ou un aguerri du jeu de société ayant de l'expérience et plusieurs projets déjà dans son escarcelle. Mais à contrario, il peut s'agir également d'une "grande première" ou d'un auto-éditeur n'ayant pas du tout ou peu d'expérience. Dans de rares cas, l'aventure peut également mal tourner avec des porteurs de projet peu scrupuleux.
Géométries variables
Mais soit, si l'affiche semble tout de même alléchante et que l'on décide finalement de franchir le pas, les aléas de l'édition sont souvent à géométrie variable. Éditer un jeu de société ne veut pas toujours dire que l'on arrivera là où on le souhaite. La production peut être adaptée, les composants modifiés, les couleurs changées, les mécanismes corrigés. Ou alors tout peut fonctionner parfaitement tel que prévu à la base, il n'y a pas de raison finalement ! Et puis il y a la fameuse "usine" avec son calendrier et son planning qui eux aussi évoluent et ne sont jamais figés. Le porteur de projet pourrait en subir les conséquences et le produit final en serait alors impacté en termes de délais. Et parfois il suffit d'un rien, prenez la fermeture de l'usine de production durant le nouvel an Chinois !
J'abrège et j'oublie intentionnellement des étapes mais finalement vient la livraison du produit tant attendu et là il faut encore prendre en compte les impératifs des unités portuaires de départ et d'arrivée, du porte-containers, du dispatcher, des douanes et de la poste ou des sociétés de distribution.
En tant que contributeur, il faudra également accepter de retrouver le produit, qui ne vous a pas encore été livré, sur des salons ou des festivals car le jeu doit parfois être mis en avant, faire sa pub, faire son "show" avant d'entrer dans le circuit commercial. Pas facile à comprendre à première vue que vous ne soyez toujours pas en possession de votre jeu alors que quelques centaines d'exemplaires sont en vente sur le stand de l'éditeur.
C'est bon ! Je l'ai !
Ouf !! Après tous ces périples, le fameux jeu est enfin livré. Il est là, posé sur votre table de jeu pour des heures et des heures de plaisir (ou pas). Et sans vouloir en rajouter, vous pourriez finalement découvrir que le titre pour lequel vous avez "participé" se trouve en vente sur le net à un prix inférieur à celui que vous avez payé, frais de port compris et rabais de fidélité pris en compte. Alors oui, vous vous aurez peut-être un peu de matériel supplémentaire en échange (ou pas).
Quoi qu'il en soit, ce jeu est vraiment trop génial...
Et vous, comment avez vous abordé ou comment abordez-vous le participatif ? Lors de vos premiers "pledges" avez-vous pris en compte tous ces impératifs à géométrie variable ? Est-ce fait pour vous ou ... non, ce n'est pas votre truc ?
Commentaires (62)
1 je me suis fait plaisir et j'ai reçu une overdose de figurines sont certaines ne sortiront peut-être jamais sur un plateau. J'en arrive à voire les limites d'un consumérisme comme un autre. Mesure en toutes choses disent certains, on en est loin!
2 par contre les KS ne peuvent-ils pas devenir le modèle de vente à la carte de bon nombres de jeu. Qui n'a pas voulu remplacer certains pions par des figurines, obtenir plus de plateaux de jeu. On sortirait ainsi de la collectionnite pour avoir des jeux à la carte!
Je ne vois pas le mal de dépenser SES sous dans une campagne participative. c'est pas parceque l'on ne veut/peut pas le faire qu'il faut forcément détruire le concept sans jamais l'avoir essayer.
pour moi l'intérêt d'un KS c'est d'avoir le jeu et des petits truc a côté. c'est à dire une dizaine de héros en plus pour un zombicide, une vingtaine de zombie exclusif etc. cela permet, toujours selon moi, d'apporter une durée de vie supplémentaire au jeu, un choix supplémentaire. Après que la personne dépense 1000$ (avec tout tout tout) dans un projet ou 100$ (juste le jeu et tous les SG) je n'y vois tjrs pas le problème... chacun fait comme il veut. On est libre:)
après pour les boutiques, je ne connais pas le problème.
Et comme tout le monde, les créateurs, il faut bien qu'ils mangent, donc qu'ils gagnent de l'argent pour ce qu'ils font.
Certes, on peut toujours travailler pour l'amour de l'art, m'enfin ça ne dure qu'un temps. Quand je vois l'énergie que ça demande de faire de la musique après sa journée de bureau de 8h, je n'ose même pas imaginer ce que ça doit couter de travailler sur des projets aussi précis et délicats qu'un jeu de société.
Maintenant, tout le monde n'ayant pas la chance de signer dans une grosse maison d'édition, il me semble que pour avancer l'argent nécessaire à la production d'un jeu, le financement participatif est incontournable.
Comme en musique en somme.
Et je n'arrive vraiment pas à comprendre la logique de ceux qui sont contre, en défendant les boutiques : ce n'est pas du tout le même métier.
Le financement participatif sert à créer et produire une oeuvre, la boutique sert à vendre les oeuvres déjà produites.
J'imagine que bien des créateurs préfèreraient ne pas avoir besoin de kickstarter pour produire, et qu'ils préfèreraient qu'une grosse maison prennent le risque financier pour eux, tout en ayant une puissance marketing bien supérieure à ce à quoi ils ont accès.
Et si les jeux ne sortaient plus faute de financement, on ne trouveraient plus rien en boutique.
En revanche, voir des gros blockbuster recourir à du financement participatif alors qu'ils sont déjà soutenus par de grosses maisons d'éditions et qu'ils n'ont manifestement pas besoin de passer par là et qu'ils le font juste par facilité ou par optimisation financière, là je trouve effectivement que c'est exagéré.
Mais c'est notre rôle de consommateur de consommer éthiquement. Le système n'est pas responsable du comportement des consommateurs.
Je reviens sur les frais de ces différentes plateformes, que je trouve vraiment abusé (alors on me dira que oui, par rapport à la marge d'une boutique c'est rien, par rapport à un crédit à la banque c'est rien, etc.) :
Kickstarter (ou ulule, on kisskissbankbank) prennent des frais sur l'ensemble des projets, et gagnent des centaines de millions de dollars, en ne faisant absolument "rien"
http://siliconvalley.blog.lemonde.fr/2014/01/09/annee-record-pour-kickstarter-pionnier-americain-du-crowdfunding/
Pourquoi un ensemble d'acteurs, par exemple auteurs, petits éditeurs, ne formeraient pas un Groupement d'Intérêt Economique pour créer une plateforme de financement participatif à prix coutant ?
De mon coté je n'ai jamais pledgé et il est peu probable que je le fasse. Pas de dogme de mon coté mais plusieurs raisons :
- je préfère attendre que le jeu arrive en boutique et en Francais, parfois avant les pledgeurs. Dans le cas ou le jeu ne sortirait pas en boutique, il y a toujours l'occasion.
- j'ai l'impression (peut être a tord) que la boite de base suffit amplement et n'ayant pas la collectionnite, les SG me sont plus encombrants qu'autre chose.
- j'ai toujours un peu de mal a me projeter a partir des règles et je préfère attendre les retours dans le forum ou dans les fiches de jeu - d'ailleurs pour les KS je suis suis souvent surpris du peu de retour des joueurs une fois la livraison effectuée. J'ai aussi l'impression que certains projets sont moins pre- testés ou aboutis vs édition classique.
Sur le cas d'un Conan ou d'un gros jeu de fig, je comprend parfaitement la logique du KS ou pour certaines petites maison d’édition mais pour le reste ...
Ce système n'est pas pour moi.
Conan et Mythic proposent tout un panel de figurines réalistes...
Conan et Mythic ne pourraient-ils pas être le point de départ d'une gamme de jeux : au lieu de toujours (futurs?) surfer sur la vague des figurines à foison, plutot développer des produits utilisant le matériel de base de Conan et Mythic ? Vous pourriez inventer des nouveaux jeux qui n'auraient rien à voir avec vos jeux actuels; mais en terme de figuration Medfan/fantaisay, les gens auraient la base.
Conan, Mythic et les extensions de bases seraient alors le début d'une série de jeux qui couteraient bien moins dans l'avenir (donc sans le matos plastoc à produire) pour tous.
Ce serait nouveau dans le secteur non ?
Si la diffusion de Conan se limite à KS, avec son public restreint de spécialistes, je vois mal comment développer le jeu (et la société) plus avant.
Sauf à considérer que le marché évoluant tellement vite, un jeu chassant l'autre, un KS chassant l'autre, il faut s'inscrire dans une démarche de court terme et procéder par 'coups uniques'. Ce qui me semble très risqué car pour continuer à créer il faut une aisance financière minimale qui ne peut être fournie que par des produits qui durent (Timeline, Zombicide...).
On a une surproduction de titres moyens qui vont couler leurs auteurs/éditeurs qui pensaient que KS leur feraient gagner des millions. Mais en parallèle, on va voir une professionnalisation forte du secteur participatif et une énorme monté en puissance sur les 5-10 ans à venir.
Toutefois, je pense aussi qu'à terme les achats seront moins impulsifs au fur et à mesure que le participatif se développera.
En tant que pledgeur occasionnel, j'ai commencé par des achats compulsifs et maintenant, je vais uniquement sur les projets sérieux et vraiment innovants. Je prends du temps pour regarder le jeu, voir les reviews et faire un tri. C'est à mon avis le circuit classique du pledgeur. Mais c'est également le circuit classique de l'acheteur en boutique. Au début, il achète un peu à la beauté de la couv' ou à l'envie du moment, puis plus sa ludothèque se remplie et plus ses goûts s'affinent, plus il se renseigne.
En cela, je pense que KS n'est pas bien différent du secteur classique dans l'approche des acheteurs. J'ai souvent vu des jeux être plus emballant dans leur pub que quand on y joue sur KS aussi bien que dans les boutiques.
Un bon jeu reste un bon jeu sur KS ou en boutique. Mais certains jeux ne sont pas viables uniquement dans le secteur tradi (exemple de Conan ou à mon échelle d'Outlive). Sans l'apport de KS, il n'y a pas de jeu. Et quand on me dit "vu la pub vous auriez pu investir dans le secteur classique", c'est vraiment méconnaitre les échelles de coût. Entre une pub à 1000 euros et un investissement à 50 000 euros, c'est de l'ordre de 1 pour 50 donc ça n'a rien de comparable. D'autant que le secteur classique nécessite aussi de faire de la pub :)
On peut apprécier ou non le participatif, mais je pense qu'il y a de la place pour les deux modèles dans le secteur. Je ne pense pas qu'il faut les mettre en opposition. Ils sont tout à fait complémentaires et je maintiens qu'ils ne visent pas tout à fait le même public, ni les mêmes types de jeux. Pour ma part, je continue d'essayer de proposer des jeux pour les deux modèles. Le prochain jeu de La boite de jeu sera d'ailleurs uniquement dans le circuit classique et ne passera pas par KS. Je ne fais du financement participatif que si c'est nécessaire, selon moi, à la viabilité du jeu.
Or, il est paradoxale de défendre les boutiques et de ne pas prendre en compte que le premier maillon de la chaîne, sans qui pas de jeux en boutique, ne puisse pas en vivre.
Tout ça n'est pas manichéen, chacun essaye de faire au mieux pour la survie de son entreprise. Mais bien sur, les boutiques sont très importantes et il faut essayer de les aider. C'est ce que nous faisons au quotidien aussi (en plus d'essayer de déjà survivre de notre côté ^^).